Le mystérieux visiteur de Noël (histoire complète)

Publié le par marie-jeanne garnier

bougies  La fête de Noël approchait à grands pas. Virginie et ses deux enfants décoraient le sapin en écoutant des chants de Noël. 

          Une bûche se consumait dans la cheminée et le chien dormait sur son tapis. Quand, soudain, quelqu'un frappa à la porte. Les filles, comme à accoutumée, s'empressèrent d'aller ouvrir. Elles attendaient la visite de leur grand-mère. Le chien jappait.

          Un inconnu se présenta. Il tremblait car il avait eu un accident, sa voiture avait glissé dans le fossé et il ne pouvait plus en sortir. Il demanda alors la permission de téléphoner à un dépanneur. Mais, à cette heure-là, le garage était fermé depuis longtemps et personne ne répondit. 

          Virginie, voyant qu'il était encore en état de choc, lui proposa une boisson chaude. Il dit alors qu'il s'appelait Paul et qu'il allait retrouver sa famille de l'autre côté du col.

          Il est parti directement en sortant de son travail et avait oublié de prendre les chaînes pour les roues de son véhicule. Sur ce chemin de montagne, on ne peut gravir le col qu'avec un équipement spécial.

          Il se mit à pleurer et raconta que sa femme venait de le quitter, emmenant avec elle leur fils de dix-huit mois. 

          Virginie essaya de le consoler tant bien que mal, lui disant que peut-être sa situation n'était pas irréversible et qu'il devait garder espoir.

          Elle lui offrit l'hospitalité pour la nuit, il dormirait dans la chambre d'amis. Elle lui montra où se trouvaient la salle de bains, les toilettes et la chambre lui étant destinée. Elle sortit de l'armoire un pyjama de son défunt mari. Il était déjà très tard et chacun alla dormir.

          Le lendemain matin, vers huit heures, Paul attendait dans le salon que la maisonnée se réveille. Le chien, étrangement, s'était familiarisé avec cet inconnu de la veille.

          Virginie sortait de la salle de bains, le salua et lui demanda s'il avait passé une bonne nuit. Elle fit le café et lui en offrit un. A huit heures trente, le garage du village ouvrait ses portes et il téléphona afin qu'une dépanneuse vienne le sortir de ce mauvais pas. Mais il y avait eu plusieurs sorties de route pendant la nuit et il ne pourrait être dépanné qu'en fin d'après-midi.

          Virginie, voyant sa détresse, le pria de la suivre. Un paysan habitait à 300m de chez elle et possédait un tracteur. Il accepta d'aider Paul et, en moins de cinq minutes, la voiture était sortie. Il passa chez le garagiste et acheta de nouvelles chaînes qu'il posa aussitôt. Puis, il reprit sa route d'un air soucieux.

         Quand les filles se réveillèrent, elles étaient déçues que le visiteur soit déjà parti.

         En faisant le ménage, Virginie trouva un anneau attaché à un petit ours en peluche et dans cet anneau, il y avait une petite clé. Sans aucun doute, il devait appartenir à Paul.

          Virginie, aidée de ses filles, avait prévu de préparer des dattes à la pâte d'amande et la bûche pour Noël. Donc, ce fut une journée pâtisserie avec Mamie Odette qui arriva juste après le repas de midi.

          Elle vivait seule dans son petit appartement et, chaque année depuis le décès de son gendre Enriqué, elle passait les fêtes de Noël avec Virginie et les petites.

          L'avant-veille de Noël, Mamie Odette emmena les filles pour choisir le cadeau de Virginie. Dans le magasin, elles rencontrèrent Paul qui faisait ses emplettes. Mirna, la plus jeune, le reconnut et s'écria :

          - "Mamie, c'est le monsieur qui est venu à la maison l'autre soir. Il avait eu un accident !"

          Les filles s'empressèrent de le rattraper pour le saluer et lui dire qu'il avait oublié quelque chose sur le canapé.

           Le soir de la veillée de Noël, Virginie avait branché les guirlandes électriques, allumé des bougies et éteint la lumière. C'était un ravissement pour les yeux ! Préparant le réveillon de Noël, les deux femmes étaient occupées à la cuisine et les deux filles mettaient la table.

          Soudain, une voiture arriva et se gara dans la cour devant la maison. Pourtant, Virginie n'attendait personne...                                          

          Paul sortit de sa voiture, tituba et tomba sur le sol enneigé. Virginie et Marjorie, l'aînée, avaient tout vu de la fenêtre et sortirent en toute hâte pour aider Paul à se relever. 

          Elles eurent bien du mal à le remettre debout. Son haleine sentait l'alcool et les mots qu'il prononçait étaient incompréhensibles. Elles l'installèrent sur le canapé avec une couverture.

           Il s'endormit aussitôt. Virginie décida de ne rien changer à leurs habitudes et elles passèrent ensemble une bonne veillée de Noël.

            Dans la nuit, un bruit se fit entendre et le chien jappait étrangement. Virginie passa sa robe de chambre et alla voir ce qui se passait. Elle alluma la lumière et vit Paul étendu sur le tapis. La table basse était renversée et la plante verte gisait sur le sol. 

            Paul pleurait et demandait où était son fils. Elle essaya de soulever Paul mais elle n'y parvint pas. Elle redressa la table et remit la terre et la plante dans le pot. Cet homme était encore trop saoul pour se lever. Elle le couvrit avec le plaid et elle s'assit dans le fauteuil pour se reposer, ainsi, de là, elle pourrait voir ce qui se passe.  Pourquoi était-il dans cet état et que lui était-il arrivé ?

           Le lendemain, à son réveil, Paul se demandait ce qu'il faisait là. Réfléchissant quelques instants, il se rappela qu'il n'avait pas pu voir son fils.

          Devant un bon café chaud, il raconta alors qu'il n'avait trouvé personne à l'adresse indiquée par son ex. Il avait passé sa journée à interroger les habitants de ce village. Leur montrant également des photographies, il n'obtint aucun résultat.

          Dépité, passant devant un bar, il y entra et, narrant ses malheurs à la serveuse, il avala un petit remontant, puis deux, puis trois... Il ne se souvenait plus combien il avait bu de verres. Il reprit sa voiture, roulant au hasard et s'est finalement retrouvé devant la maison de Virginie.

          Pour le jour de Noël, il n'était pas vraiment gâté. Il fallait attendre le lundi pour commencer les recherches. Avec le pont de Noël, tout était fermé. Virginie lui remonta le moral, lui disant qu'elle allait l'aider à retrouver son petit garçon.

          Il prit la photo de son fils dans son porte-feuilles, la serra contre son coeur et, la larme à l'oeil, dit :

          - "Joyeux Noël, mon petit Benjamin".

          Virginie lui apporta le porte-clé qu'il avait oublié. Voyant le petit ours en peluche, il raconta que c'était son porte-bonheur et la seule chose, le seul souvenir qu'il possédait de sa mère, croyant que celle-ci était morte. Il ne connaissait pas son père et avait été adopté peu après sa naissance.  

          Décidément, la vie de Paul était entourée de mystères !

          Virginie et ses deux filles reprirent leur petite vie de tous les jours. Elle avait donné son numéro de téléphone à Paul qui l'appela quelques jours plus tard.

          Il avait reçu une lettre de son ex-femme avec une nouvelle photo de son fils. Dans sa lettre, elle disait qu'elle était partie vivre à Marseille chez une amie, le climat étant plus clément là-bas et qu'elle lui donnerait régulièrement des nouvelles du petit Benjamin. Paul était à moitié rassuré et se sentait bien seul dans sa maison. Virginie n'était pas insensible au charme du beau Paul et lui proposa de venir passer les derniers jours de l'an chez elle.

          Paul promit de venir bientôt. Mais auparavant, il devait se rendre chez son ami Vincent qui l'avait invité à dîner. Vincent et Paul travaillaient ensemble dans le même cabinet d'architectes. Et ils s'entendaient bien. Ils n'avaient aucun lien de parenté mais quelquefois, un lien d'amitié est plus solide. Il était un peu le frère qu'il n'avait pas. Marié lui aussi, il avait des jumelles, deux jolies petites filles que Paul aimait gâter surtout en cette période de Noël. Elles avaient tout juste quatre ans. 

          Quand Paul rencontra Vincent, c'était le jour de son embauche au cabinet. Leur patron était un chic type qui était très famille. Et, comme les affaires marchaient bien, il profitait de toutes les occasions pour les inviter.

          Paul avait trouvé bizarre que Vincent fête son anniversaire le même jour que lui. C'était un heureux hasard, se disaient-ils tous les deux. Et tous les ans, ils se retrouvaient chez leur patron pour cet évènement.

         Paul et Vincent avaient feuilleté ensemble leurs album- photos mais aucun des deux ne possédaient de photo d'eux étant bébé. Les premiers clichés qu'ils avaient dataient de leur sixième anniversaire. Cette  nouvelle similitude les rapprochait et les intriguait. Y avait-il un mystère là-dessous ?

          Quand Vincent raccompagna Paul à sa voiture, il vit le porte-clé posé sur le tableau de bord et dit à Paul :

          - "J'ai le même dans le tiroir de ma table de nuit, encore une étrange coïncidence. Si tu as une minute, je vais le chercher et on verra si c'est exactement le même."

          Non seulement les deux porte-clé étaient identiques mais les clés l'étaient également. Alors, s'essuyant le front, ils s'expliquèrent sur le fait. Chacun avait ce porte-clé avec sa clé depuis toujours. Cela remontait à l'enfance. C'était un souvenir de leur mère.

          Quand il arriva chez Virginie, Paul était bien pensif. Il se confia à Virginie qui avait toujours une oreille attentive.

          La maman de Virginie était là et avait tout entendu. D'un seul coup, ils entendirent un grand bruit dans la cuisine. C'était la maman de Virginie  qui s'était évanouie. 

          Ils la portèrent sur le canapé du salon et Virginie lui tamponna le front avec un linge mouillé. Quand elle revint à elle, elle se mit à pleurer et commença à raconter son histoire.

          -"J'avais seize ans et je suis tombée enceinte. Mes parents ne voulaient pas entendre parler du garçon que je fréquentais à cette époque. C'était un étudiant qui n'avait pas fini ses études et il n'aurait pas pu faire vivre une famille. Quand mes parents ont su que j'attendais un bébé, ils m'ont dit qu'il n'était pas question de le garder, que je devais accoucher sous x et abandonner mon enfant. A cette époque, la majorité était à 21 ans. Au sixième mois de grossesse, les parents ne voulaient plus me laisser sortir, si les gens me voyaient comme ça, je serais la honte de la famille, disaient-ils."

          Elle alla boire un verre d'eau et continua :

          -"Quand j'ai accouché, ce n'est pas un bébé que j'ai eu mais deux petits garçons. Comme j'étais mineure, ma mère était là et a tout organisé, l'accouchement, l'abandon. J'avais deux porte-clé et une mallette où mon ami et moi rangions tous nos secrets. Au début, ne sachant pas que j'aurais des jumeaux, j'avais prévu de donner un porte-clé à l'enfant et de garder l'autre. Mais comme ils étaient deux, j'ai aussi donné l'autre porte-clé. Plus tard, j'ai fait des recherches pour les retrouver mais sans succès. Je ne sais pas comment ils s'appellent."

          -"Je m'appelle Paul et j'ai un ami qui s'appelle Vincent et qui a exactement le même porte-clé que moi. On travaille tous les deux dans un cabinet d'architecte."

          Elle lui dit, les larmes aux yeux :

          - "Mais tu es mon enfant, le hasard nous a réuni. Je suis si heureuse de te connaître et je te présente ta demi-soeur Virginie."

           Elle le serra très fort dans ses bras et lui demanda où se situait ce cabinet et quel était le nom de son patron. Elle ajouta que le père de ses enfants faisaient des études d'architecture.

          -"Il s'appelle Georges Muller et il a à peu près votre âge."

           Il lui donna l'adresse du cabinet et avec Virginie, elle irait voir l'homme qu'elle a aimé dans sa jeunesse.

          Oubliant que c'était la Saint-Sylvestre, ils partirent tous ensembles le lendemain matin. Mais, bien sur, le cabinet était fermé.

          -"Je sais où il habite, je lui téléphone pour savoir s'il peut me recevoir", dit-il.

          Lorsqu'ils arrivèrent devant la maison, Georges rentrait de son jogging matinal. Dès qu'il la vit, il la reconnut. Ils pleuraient tous les deux. Puis, Georges lui raconta que la mère d'Odette  l'avait contactée, le mettant au courant de la naissance des jumeaux.

          Lui aussi avait fait des recherches. Il était très étonné quand il a retrouvé ses fils faisant des études d'architecture tout comme lui. Il n'a rien osé leur dire. 

           Il téléphona à Vincent, lui demandant de passer tout de suite à la maison. Il habitait tout près.

          Quand celui-ci arriva, il se demandait ce qui se passait. Et Paul raconta à Vincent tout ce qu'il savait, lui disant qu'il était son frère et que le patron était leur père et lui présenta aussi leur mère Odette et leur demi-soeur Virginie. 

           La famille enfin réunie fêta comme il se doit la nouvelle année qui commençait.

 

                                                                              Marie-Jeanne GARNIER

Publié dans contes

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